Dans les collines de Cisjordanie vivent quelque 14 000 Palestiniens de confession chrétienne, au sud-est de Bethléem, dans la petite cité de Beit Sahour ; ils résident sur ces terres depuis des siècles. Impossible d’y accéder en voiture : d’énormes tas de gravats ont été déposés par l’armée israélienne aux entrées de la ville, depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier. Il faut continuer à pied ; les rues sont vides, la ville est une cité fantôme. Les Palestiniens, quelle que soit leur confession, sont plus ostracisés que jamais depuis le début de la guerre.
Pourtant, dans cette ville gérée par l’Autorité palestinienne, les chrétiens ont toujours vécu plus ou moins dans la quiétude. Au milieu d’une place trône la chapelle de la Fontaine-de-Marie. Selon la tradition, la Vierge s’y est abreuvée pendant sa fuite en Égypte. Et si Beit Sahour fait partie des territoires occupés par Israël depuis 1967, la ville est connue pour sa résistance non violente durant les dernières intifadas.
Joseph tient l’épicerie de son père en son absence. À 23 ans, ce natif de Beit Sahour est un fervent chrétien orthodoxe. Il ne quitte jamais son poste sans embrasser une statuette de la Vierge Marie. Depuis le 7 octobre, il est sur le qui-vive, notamment vis-à-vis des soldats israéliens, qui patrouillent nuit et jour. « Avant, il était facile pour nous de se rendre en Israël du fait de notre confession, mais Tsahal ne fait plus de différence entre les Palestiniens désormais ». Depuis l’attaque du Hamas, chrétiens et musulmans se regroupent autour de leur identité palestinienne. Ils ne font qu’un. Les habitants de Beit Sahour restent cloîtrés chez eux. Firas Ibrahim, 33 ans, arbore une imposante couronne d’épines du Christ, tatouée sur son avant-bras. « Je suis chrétien et fier (…) Nous n’avons plus le droit d’entrer en Israël. »
À quelques centaines de mètres de Beit Sahour, la cité de Bethléem veille religieusement sur ses fidèles. Les hôtels de la cité sont vidés de leurs touristes et environ 3 000 et 4 000 Palestiniens travaillant en Israël sont désœuvrés, faute de pouvoir se rendre sur le territoire. « Cela a un impact sur toute notre économie, puisqu’ils n’ont plus de pouvoir d’achat et ne peuvent plus rien acheter dans nos magasins ici », déplore le père Issa Hijazeen, prêtre de l’église Notre-Dame-de-Fatima, à Bethléem. Sans pèlerins ni fidèles étrangers, c’est toute l’âme de Bethléem qui se vide progressivement.
Adapté de : www.lavie.fr