La Vierge glorieuse montant au ciel vint ajouter sans aucun doute une part abondante à la joie des habitants d'en haut.
C'est elle en effet dont un simple mot de salutation fait tressaillir de joie ceux mêmes que renferment encore les entrailles maternelles. Si l'âme d'un enfant encore à naître fut comme liquéfiée d'amour dès qu'eut parlé Marie, pouvons-nous imaginer l'allégresse des citoyens du ciel quand il leur fut donné à la fois, et d'entendre sa voix, et de voir son visage, et de goûter le bonheur de sa présence ?
Et pour nous, mes très chers, quelle occasion de fête en cette assomption de la Vierge, quelle source de joie, quel sujet de réjouissance ! Par la présence de Marie, c'est tout l'univers qui est illuminé au point que désormais la patrie céleste elle-même resplendit d'une clarté plus vive, irradiée qu'elle est par le rayonnement de cette lampe virginale. Aussi est-ce à juste titre que retentissent, là-haut, l'action de grâces et la louange.
Mais pour nous, semble-t-il, nous devons gémir bien plus qu'applaudir. N'est-il pas logique en effet que la mesure dont le ciel se réjouit de la présence de Marie, soit la mesure même dont notre bas monde doive s'attrister de son absence ? Non, cessons nos plaintes ! Pour nous non plus, l'ici-bas n'est pas notre patrie (…).
Elle a pris les devants, notre reine ! Elle a pris les devants, et l'accueil qu'elle a reçu fut si glorieux que les pages peuvent suivre leur dame en toute assurance et lui crier : « Entraîne-nous sur tes pas ; nous courrons dans les effluves de tes parfums » (Ct, 1, 4ss).
C'est une avocate que notre caravane envoie devant elle, une avocate qui, en tant que mère du juge et mère de miséricorde, traitera l'affaire de notre salut avec insistance et succès. C'est un cadeau de prix qu'aujourd'hui notre terre a adressé au ciel afin que, donnant donnant, une heureuse alliance d'amitié unisse l'humain au divin, la terre au ciel, les abîmes aux cimes.
Saint Bernard, dans Sermon 1 sur l'Assomption