- « Savez-vous être en la grâce de Dieu ? » demande-t-on à Jeanne au cours de son procès.
- « C'est grande chose, répliqua-t-elle, de répondre à telle demande ! »
- « Oui, c'est grande chose, dit un des assesseurs, le théologien Fabri ; l'accusée n'est pas tenue de répondre. »
- « Vous feriez mieux de vous taire ! » cria alors Cauchon avec colère à Fabri.
- « Savez-vous être en la grâce ? » répéta l'interrogateur.
- « Si je n'y suis, Dieu m'y mette ! Et si j'y suis, Dieu m'y garde ! »
Ils restèrent tous muets et baissèrent la tête. Mais on continua à l’interroger :
- « Dites-nous si vous vous en rapportez à la détermination de l’Église ? »
- « Je m'en rapporte à Notre-Seigneur qui m'a envoyée, à Notre-Dame et à tous les benoîts saints et saintes de Paradis. Et m'est avis que c'est tout un de Notre-Seigneur et de l’Église, et qu'on n'en doit point faire de difficulté. Pourquoi fait-on difficulté que ce soit tout un ? »
- « Il y a l’Église triomphante, où sont Dieu, les saints, les anges et les âmes sauvées. L’Église militante, c'est notre Saint-père le pape, vicaire de Dieu en terre, les cardinaux, les prélats de l’Église et le clergé, et tous bons chrétiens et catholiques. Laquelle Église bien assemblée ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. Voulez-vous vous en rapporter à l’Église militante, à savoir celle qui est ainsi déclarée ? »
- « Je suis venue au roi de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et de tous les benoîts saints et saintes de paradis, et l’Église victorieuse de là-haut, et de leur commandement. Et à cette Église-là je soumets tous mes bons faits, et tout ce que j'ai fait ou à faire. »
- « Savez-vous si sainte-Catherine et sainte-Marguerite haïssent les Anglais ? »
- « Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime et haïssent ce que Dieu hait. »
- « Dieu hait-il les Anglais ? »
- « De l'amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, ou de ce que Dieu fera à leurs âmes, je ne sais rien. Mais je sais qu'ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; Et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais. »
Sainte Jeanne d’Arc
Procès (Tome I, p. 65; ibid. Tome III, p. 153,163,175, p. 162,166,174-176)