Concentrons-nous sur l’application du titre de Mère de Dieu en ce qu’il nous concerne chacun en particulier. Essayons de voir comment nous pouvons devenir, dans le concret, mère de Jésus. Comment Jésus nous enseigne-t-il à devenir sa mère ? À travers une double opération : en écoutant la Parole et en la mettant en pratique.
Pour comprendre, rappelons-nous comment Marie devint mère : en concevant Jésus et en l’enfantant. Il existe deux maternités incomplètes ou deux sortes d’interruptions de maternité. L’une est celle, ancienne et connue, de l’avortement. Elle se produit lorsqu’on conçoit une vie mais sans enfanter, parce que, entre-temps, pour des causes naturelles ou à cause du péché des hommes, le fœtus est mort. Jusqu’à une époque récente, c’était l’unique cas connu de maternité incomplète.
Aujourd’hui on en connaît une autre à l’inverse qui consiste à enfanter un enfant sans l’avoir conçu. C’est le cas d’enfants conçus en éprouvette et introduits ensuite dans le sein d’une femme, ou encore le cas infiniment triste et misérable d’un utérus donné en prêt pour héberger, avec paiement s’il le faut, une vie humaine conçue ailleurs. Dans ce cas, ce que la femme enfante ne vient pas d’elle et n’est pas conçu « d’abord dans son cœur avant que dans son corps ».
Malheureusement ces deux tristes possibilités se retrouvent aussi sur le plan spirituel. Conçoit Jésus sans l’enfanter celui qui accueille la Parole sans la mettre en pratique, celui qui continue d’ajouter avortement sur avortement, en formant des projets de conversion ensuite systématiquement oubliés et abandonnés à mi-chemin ; celui encore qui se comporte envers la Parole comme un observateur pressé : il regarde son visage dans un miroir et puis s’en va en oubliant aussitôt de quoi il avait l’air (cf. Jean 1, 23-24). En somme, celui qui a la foi, mais qui n’a pas les œuvres.
Par contre, enfante le Christ sans l’avoir conçu celui qui réalise beaucoup d’œuvres, même bonnes, mais qui ne viennent pas du cœur, de l’amour pour Dieu et d’une intention droite, mais plutôt de l’habitude, de l’hypocrisie, de la recherche de sa propre gloire ou de son intérêt, ou simplement de la satisfaction que procurent l’action. En somme, celui qui a les œuvres mais qui n’a pas la foi.
Père Raniero Cantalamessa, Frère Mineur Capucin.
Prédicateur de la Maison Pontificale
Prédication de l'Avent : Marie, Mère de Dieu, « un des paradoxes les plus profonds du christianisme » du 20 Déc. 2019