Pour être honnête, dans mon enfance comme dans mon adolescence, je n’ai jamais eu une grande dévotion concrète pour la Sainte Vierge. Le culte marial, dans ma famille, ç’a toujours été l’affaire des femmes ; les hommes, par pudeur peut-être, se tenaient sur la réserve et restaient plus centrés sur Dieu le Père.
Mais, quand je suis arrivé en khâgne, à Paris, du fait d’une certaine solitude, je me suis pris à me réfugier auprès d’un autel de la Vierge, au fond d’une église bien connue du Vème arrondissement. Je dois dire que je racontais beaucoup de choses, dans la pénombre, devant cette statue magnifique. Joies, peines, besoins d’encouragements, remerciements. C’était une parfaite confidente.
Mais il y a mieux. Plus tard, quand j’ai commencé à écrire de l’apologétique, je me suis rendu compte d’une chose étonnante : à chaque fois que je dois écrire sur un dogme marial, j’y vais à reculons, me disant qu’il y a dans tout cela trop de merveilleux pour que la raison y retrouve ses petits. Disons que je pars vaincu. Eh bien ! À chaque fois, j’écris le chapitre très facilement, les arguments semblent couler de source, et tout s’agence admirablement.
Et je n’y suis vraiment pour rien ! Je n’ai pas l’impression d’écrire ce que j’ai compris, mais plutôt de comprendre en écrivant. Expérience très bizarre. Par exemple, je dois très bientôt écrire quelque chose sur la question de savoir si Marie peut être dite « corédemptrice », sujet très épineux. Franchement, d’un point de vue purement rationnel, purement philosophique, purement théologique, je ne pars pas avec une très grande confiance. Mais, instruit par l’expérience, j’ai tout de même bon espoir : tout va se démêler. Les nœuds vont se défaire !
Frédéric Guillaud, ancien élève de l'École Normale Supérieure, agrégé de philosophie et auteur notamment de Dieu existe