En ce premier dimanche de Carême, et tandis qu’en ces mois de pandémie la souffrance est profonde et mondiale, voici des extraits de la méditation de Carême du père Cantalamessa(1) diffusée le 19 décembre 2020 par radio Vatican :
« Un texte de Vatican II mentionne l’espérance de Marie sous la Croix comme un élément déterminant de sa vocation maternelle : sous la Croix "elle apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité".
Venons-en à l’Église, c’est-à-dire à nous-mêmes. (…) Comme elle fut près de son Fils crucifié, l’Église est appelée à se tenir proche des crucifiés d’aujourd’hui : les pauvres, ceux qui souffrent, les humiliés et les opprimés. Et comment l’Église accomplira-t-elle cette mission ? En espérance, comme Marie. Il ne suffit pas de compatir à leurs peines ni même de chercher à les alléger. C’est trop peu. Quiconque peut le faire, même celui qui ignore la résurrection. L’Église doit apporter l’espérance en proclamant que la souffrance n’est pas absurde, qu’elle a un sens, parce qu’il y aura une Résurrection des morts. Elle doit "donner raison de l’espérance qui l’habite" (cf. 1 P 3, 15).
Les hommes ont besoin d’espérance pour vivre, comme d’oxygène pour respirer. Pendant longtemps et jusqu’à nos jours, l’espérance est restée la sœur cadette, la parente pauvre des vertus théologales. Le poète Charles Péguy a une belle image à cet égard. Il dit que les trois vertus théologales - foi, espérance et charité - sont comme trois sœurs : deux adultes et une encore enfant. Elles marchent ensemble dans la rue en se tenant la main, les deux grands sur les côtés et la petite fille au centre. La petite fille s’appelle bien sûr Espérance. Tous ceux qui les voient disent : "Ce sont certainement les deux adultes qui traînent la fille au centre !" Ils se trompent ! C'est la petite fille Espérance qui traîne les deux sœurs, car si elle s'arrête tout s'arrête.
Nous devons, comme nous suggère le même poète, devenir "complices de la petite espérance". (…) Devenir complice de l’espérance c’est permettre à Dieu de te décevoir, de te tromper ici-bas autant qu’il le veut. Mieux que cela : c’est au fond être content, dans un ultime repli de ton cœur, que Dieu ne t’ait écouté ni la première ni la seconde fois et qu’il continue à ne pas t’écouter, car ainsi il t’a permis de lui donner une preuve de plus, de faire un acte d’espérance de plus, chaque fois plus difficile. Il t’a accordé une grâce bien plus grande que ce que tu lui demandais : la grâce d’espérer en lui. Il a l’éternité pour se faire pardonner le retard par ses créatures !
Tournons notre regard vers celle qui a su se tenir près de la Croix espérant contre toute espérance. »
(1) Le père Raniero Cantalamessa, Franciscain et prédicateur de la Maison pontificale, a été élevé au cardinalat par le pape François, le 28 novembre 2020
Père Raniero Cantalamessa
3e prédication de Carême (extraits)