S'il est une vérité que l'Évangile semble prendre à cœur de nous inculquer, c'est que, chez Marie, la maternité divine se présenta dans une perspective douloureuse (...) Il est vrai que cet aspect des choses n'apparaît pas explicitement dans le message de l'Ange, tout entier relatif aux grandeurs transcendantes et au règne éternel auxquels l'Homme-Dieu est prédestiné. Mais le contenu même du Magnificat, dans lequel Marie devait bientôt refléter le fond de ses dispositions intimes, suffirait à nous faire entendre que, dans cette âme entièrement ouverte dès lors à l'esprit de l'Évangile, l'annonce même des grandeurs auxquelles son Fils était promis dut évoquer un profond et admirable pressentiment des sentiers humbles et douloureux par lesquels il aurait à les conquérir. Ce qui confirme cette considération et la complète, c'est que, dès les premiers temps de cette maternité divine, la Providence s'empresse de conduire la vie de Marie à travers ces chemins de souffrance et d'humiliation. Rien de plus frappant à ce point de vue, que les détails mentionnés dans ce qu'on a appelé "l'Évangile de l'Enfance". Presque tous se réfèrent à de pénibles épreuves imposées aux parents de Jésus ; et ces épreuves sont d'autant plus déconcertantes -pour qui ne se place pas d'emblée dans les perspectives de la Rédemption par la Croix- qu'elles sont dénuées de toute espèce d'utilité particulière, et qu'elles auraient pu le plus aisément du monde être évitées. L'histoire des anxiétés de saint Joseph impose déjà cette considération. Il eut paru si simple que la Providence prît soin d'avertir à peu près en même temps Marie et son époux, pour épargner à ces âmes saintes des jours affreux, et absolument immérités, d'humiliation et d'angoisse ! Était-il nécessaire aussi que la date prévue pour la naissance du Fils de Dieu coïncidât avec un voyage à Bethléem et avec l'encombrement général des hôtelleries, pour que tout, dans un événement si heureux, devînt particulièrement pénible et incommode ? Le vieillard Siméon n'aurait-il pu s'en tenir à son chant d'actions de grâces, sans y ajouter des prophéties effrayantes, capables de tourmenter inutilement un cœur maternel ? Et les Mages n'eussent-ils pas mieux fait de se montrer plus circonspects dans les confidences qu'ils firent à Hérode, économisant ainsi à la sainte Famille la fuite en Égypte, et aux Bethléémites le massacre des Innocents ? Enfin, si l'Enfant Jésus eut plus tard quelque motif de prolonger la visite qu'il fit au Temple avec ses parents, lui était-il difficile de les en avertir d'avance ?