La plus belle manifestation religieuse qui ait jamais eu lieu à Lourdes fut celle du 8 septembre 1946. On vit en cette journée les anciens prisonniers et déportés déposer le fardeau de leurs douleurs aux pieds de leur Mère. Ils sont cent mille, venus de tous les coins de France après avoir vécu dans tous les stalags ou oflags d'Outre-Rhin. Dans leur camp, installé sur la rive droite du Gave, face au rocher sacré, les emplacements des délégations ont été disposés approximativement comme en Allemagne ; on y lit les noms de Stuttgart, Hambourg, Königsberg, et ceux plus sinistres de Buchenwald, Dachau, Ravensbrück. Parmi les hommes, un groupe de Bretons a fait route à pied depuis Guingamp ; parmi les femmes, six on fait de même sorte 900 kilomètres en trente-deux jours (...). Or, voici qu'il pleut, le jour de la Nativité de la Vierge. Confiant dans son intercession, S.E le cardinal Suhard chante cependant la messe en plein air sur le podium de l'Esplanade où dix-huit messes peuvent être célébrées en même temps ; et un radieux arc-en-ciel se déploie au-dessus des trois sanctuaires comme un immense espoir. Ancien déporté de Compiègne, Mgr Théas, alors administrateur apostolique de Tarbes-Lourdes, demande à ceux qui furent ses compagnons de misère d'imiter le Christ en pardonnant, eux aussi, à leurs bourreaux, pour que l'amour triomphe de la haine et que renaisse la Chrétienté : le soleil revient ; la foule chante : Je crois en toi, mon Dieu.