Les deux parties de l'apparition de Banneux sont séparées par un intervalle anormalement prolongé de trois semaines. Il semble difficile de ne pas soupçonner ici une intention et un enseignement de la Vierge. Après la quatrième apparition, tous, croyants et sceptiques, jugèrent que c'était fini. Des croyants d'ailleurs, il n'en restait guère. En dehors des parents Beco, quatre ou cinq tout au plus. Une dure épreuve commença alors pour la petite voyante. Abandonnée de tous, elle devint la risée du village ; la persécution alla jusqu'aux sévices. Son courage ne faiblit pas. Tous les soirs, à dix-neuf heures, elle sortait de la maison et, tournée vers le même point du ciel, prolongeait sa prière jusqu'à six et sept chapelets. Les quelques assistants des premiers jours se lassèrent bientôt. Elle resta seule. « Elle ne viendra pas encore ce soir », ce fut pendant trois semaines son gémissement douloureux. Était-elle certaine du retour de la Vierge ? Non, elle ne l'a jamais été et ne pouvait l'être, à défaut d'une promesse qu'elle n'avait pas reçue. Elle s'accrocha d'abord à quelques bribes d'espérance. Quelques maigres encouragements, comme on en donne dans les cas désespérés, la soutinrent les premiers jours. Enfin elle cessa de croire au retour de la Vierge. Sur son état d'âme final voici son témoignage personnel (dossier de la Commission d'enquête) : « Croyiez-vous que la Sainte Vierge ne reviendrait plus ? - D'abord j'ai pensé qu'elle reviendrait, puis comme cela durait, j'ai cru qu'elle ne reviendrait plus. Est-ce que vous priiez pour avoir une nouvelle apparition ? - Oui ». Il n'y a pas de contradiction. L'attente fondée sur des raisons naturelles s'était évanouie. La confiance persistait, fondée qu'elle était sur un motif supérieur. L'enfant, mue par un instinct divin, a mis en pratique la prière importune qui fait violence au Tout-Puissant et que Notre-Seigneur nous a enseignée. Elle s'est dit qu'à force de supplications elle saurait contraindre la Vierge à revenir, celle-ci eût-elle déjà décidé le contraire. Combien de grandes personnes eussent tenu le coup avec une constance aussi héroïque ? Ce dernier mot n'est pas trop fort. En ces jours de déroute, l'enfant inculte et naïve a été la seule à croire vraiment en la Vierge des Pauvres. La Vierge nous a donné une leçon de choses. Il lui a plu d'insérer la foi et la prière d'une petite fille dans la trame même de son apparition, et d'en faire dépendre l'immense bienfait qu'elle apportait au monde. La Reine des Cieux est descendue à Banneux pour demander notre foi et notre prière. Pouvait-Elle manifester avec plus d'éloquence le prix qu'elle y attache et le besoin qu'elle en a? Des jours viendront peut-être où tout semblera perdu, la foi des plus robustes branlera. Souvenons-nous alors de la prière obstinée à la Vierge qui ne venait pas. Qu'elle nous serve d'exemple et d'encouragement !