Au Liban Notre-Dame de Bikfaya est le sanctuaire du recueillement. C'est le vœu du peuple qui l'y appela. En 1837, le Père Estève, missionnaire jésuite, qui venait de bâtir à Bikfaya une église, voulut l'inaugurer solennellement. Il y entra portant un tableau de saint François Régis ; arrivé à l'autel, il allait l'y déposer lorsque les fidèles réunis se mirent à chanter : « Salut à toi, Vierge Marie ! » Surpris le Père hésite, puis croit reconnaître dans la voix du peuple, la voix de Dieu, repousse doucement le saint vers un coin de l'autel et place au centre une image de la Vierge, apportée par lui de Rome. Depuis dans cette même église, une petite chapelle a été réservée à cette image comme pour la soustraire à l'agitation des grandes cérémonies et en faire le refuge des âmes qui éprouvent le besoin d'une piété plus intérieure. La Vierge est là dans la discrète clarté de sa niche toute simple, les mains jointes, les yeux presque clos, Notre-Dame de la Délivrance. Qu'importe son origine ! Réplique d'un Sasso-Ferrato de Venise ou de Milan ? Qu'importe même l'imperfection de son dessin ou la rudesse de ses imitations ! Elle n'est qu'un signe, qu'un souvenir, elle est l'image de Notre-Dame, une image qui nous livre son âme bénie sous un seul aspect : celui du recueillement. Point de couronne, point d'habits somptueux ; c'est une paysanne coiffée d'un fichu de laine. Elle ne nous présente pas son divin Fils, quoique nous sentions sa présence. Elle ne pleure pas, elle ne sourit pas, elle prie. C'est une « orante », une recueillie, et la douceur de son visage n'est que le reflet de sa prière. A bien contempler ses yeux baissés, on comprend le caractère très spécial de son sanctuaire et de son attirance. Bikfaya ne sera jamais un pèlerinage de foules ; Marie n'y fera pas des miracles éclatants, mais elle enseignera, silencieuse et calme, l'art de se recueillir et de parler à Dieu. Ainsi elle « délivrera » du plus grand des maux, la vaine agitation du monde, le tumulte des passions.