Le mystère de la Sainte Vierge c'est qu'elle est là avant que Jésus ne soit là, elle est en Israël avant que Jésus n'y soit. Et elle est déjà, en Israël, une mystérieuse présence, je dirais, de Jésus avant Jésus, puisqu'elle est déjà tout entière en relation avec Jésus et que rien n'est en elle qui ne soit pour Jésus. Elle est donc là dans cet espace qui précède l'Incarnation. Il semble qu'il y ait un moment où l'Eglise soit déjà là, puisque Marie est la figure de l'Eglise et de l'humanité sauvée par le Christ, avant que Jésus n'y soit. (...) Nous comprenons alors quel est le rôle mystérieux de la sainte Vierge dans les peuples païens : chez eux l'Eglise n'est pas là Jésus n'est pas encore là et pourtant l'Eglise est déjà là parce que Marie est là. Il y a donc avant que les peuples païens ne soient convertis au Christ avant que l'Eglise visible ne soit implantée chez eux, une mystérieuse présence de Marie qui prépare qui préfigure l'Eglise, qui est comme une anticipation de ce que sera l'Eglise. Et c'est là cette relation si mystérieuse et si profonde de Marie aux peuples païens. Vous vous souvenez de ce passage de Péguy où il explique qu'il ne peut dire « Notre Père » mais où il peut dire tout de même « Je vous salue Marie ». Beaucoup de pécheurs ne peuvent dire le « Notre Père » mais disent pourtant l'Ave Maria. Il y a là quelque chose de très juste ; alors qu'on ne peut dire le Notre Père parce qu'on n'est pas digne, si on n'est pas dans des dispositions filiales dans la grâce, il semble tout de même qu'on peut dire « Je vous salue Marie » parce qu'il y a une présence de Marie là où Jésus et la grâce ne sont pas encore. C'est pourquoi il y a une relation mystérieuse entre Marie et les pécheurs ; c'est ce que sentent tellement de pécheurs qui prient Marie alors qu'ils ne peuvent encore prier Jésus.