On le sait, Benoîte a le don de saisir l'intime des âmes. Elle est appelée à guider les pécheurs. (?) S'adresser aux pèlerins pour leur révéler ce qui se joue dans leur vie, au plus profond de leur existence, n'est pas chose facile pour elle ; et Marie doit pousser la voyante dans cette mission au service des pélerins. « Ce n'est pas sans peine qu'elle découvre à son prochain les fautes qu'il a commises, croyant que c'est une chose indigne à une pécheresse de se mêler de faire la correction à moindres pécheurs. Elle fait beaucoup de prières afin qu'ils se laissent toucher aux inspirations et qu'elle ne soit pas obligée de leur en parler. Quand la chose est faite, elle en est affligée comme d'un grand péché, en fait la matière de ses confessions et pratique quelque mortification pour expier cette effronterie. » La voyante nous explique l'attitude qui l'habite : « la Mère de Dieu me le commande d'un air si doux que je ne crois pas qu'elle le veuille absolument, et quand j'ai failli, cette Bonne Mère me reprenant sans se fâcher fait, avec la honte que j'ai de prévenir les personnes, que j'attends bien souvent un second commandement, et puis j'obéis. » Cette difficulté qu'elle a de révéler ou de rappeler aux pécheurs leurs fautes est à mon avis une des clés de son succès auprès d'eux. Elle ne vient pas vers autrui de manière arrogante. Elle ne vient pas pour donner des leçons. Elle ne vient pas pour juger. Elle ne vient pas désigner les torts pour se soulager. Au contraire. Elle s'approche en étant foncièrement convaincue qu'elle est une bien plus grande pécheresse. L'autre, alors, non seulement se sent rejoint dans sa misère, mais il voit s'ouvrir l'espérance d'être enfin réconcilié avec lui-même, avec les autres et avec Dieu. Il est prêt à faire l'expérience de la miséricorde.