Gargam n'avait pas la foi ; depuis quinze ans il n'était pas entré dans une église. À la première proposition du Pèlerinage, il refusa avec humeur. Néanmoins, comme à l'hôpital on le menaçait d'une opération, la trépanation des vertèbres, qu'il ne voulait pas subir, il accepta d'abord l'idée de quitter ce lit de douleurs et cette salle de malades où il souffrait depuis plus de vingt mois, pour rentrer dans sa famille, où il préférait mourir. Puis, sur les instances de sa mère, il finit par acquiescer au voyage de Lourdes. Comme il était loyal, il reconnut que, devant participer à un pèlerinage, il fallait s'y préparer en pèlerin. Il se confessa donc, et le 16 août, avant le départ, il communia avec une toute petite parcelle d'Hostie, tant il avait difficulté à avaler. Mais, disait-il, ce fut presque sans foi. Le voyage à Lourdes fut douloureux ; le malade était étendu sur un brancard spécial, ayant à l'extrémité une planchette verticale qui empêchait le drap de toucher les pieds que la gangrène dévorait. Au départ, les secousses provoquèrent une syncope qui dura plus d'une heure. Dès l'arrivée, il fut porté à la Grotte et y communia, mais avec une foi encore confuse et incertaine. Il ressentit cependant aussitôt après un mouvement intérieur qui le transforma ; il sentit le besoin de prier, et ne le put, et les sanglots l'étouffèrent. C'était la foi triomphante qui entrait en son âme et la transfigurait. Fût-ce une illusion ? Il lui sembla ressentir un fourmillement dans ses jambes insensibles. Ce fut en tout cas un pressentiment.