La Vierge disparut, Auguste courut raconter l'évènement à son père et, ensemble, ils allèrent trouver le curé du village. Celui-ci écouta le récit mais n'y accorda pas foi. Il lui semblait impossible que la Vierge apparaisse à un homme qui profane le jour du Seigneur en enfreignant le précepte dominical. Le lundi matin, ils allèrent trouver le menuisier et lui commandèrent une croix provisoire, en bois, qu'ils planteraient dans leur vigne, en attendant qu'un forgeron, qu'ils avaient été voir à Montpellier, en confectionne une belle en fer forgé, or et argent, avec une image de Notre-Dame au milieu, conformément aux instructions d'En-Haut ; cet achat mangea d'un coup toutes les économies d'Auguste. Le soir même, la croix provisoire était plantée sur leur lopin. Au grand dam du curé qui refusa séchement de venir la bénir. Pas plus échaudés que cela, les Arnaud, en famille et accompagnés de quelques proches, mis au courant de l'aventure d'Auguste, se rendirent le jeudi 12 juin à Saint-Antoine. Tant pis si cela leur faisait perdre une journée de travail ! Décidément quelque chose avait changé chez eux... Le dimanche 22 juin, toute la famille se rendit à Notre-Dame de grâce à Gignac, y entendit la messe, et chacun constata qu'Auguste passa la matinée en prière dans l'église. Le 4 juillet, et toujours sans le curé, la belle croix or et argent livrée, les Arnaud l'installèrent dans leur vigne avec toutes les marques de respect possibles. Évidemment, tout Saint-Bauzille était maintenant au courant et, loin de se moquer du fils Arnaud, contre toute attente on le croyait. Et précisément pour les raisons qui le discréditaient auprès de l'abbé Coste : Auguste n'étant pas un pilier de bénitier, ni un chrétien exemplaire, et à peine un pratiquant, personne ne le pensait capable de se monter la tête avec des histoires d'apparition. S'il avait voulu se moquer du monde, il n'eût point réformé sa vie ni mangé ses économies comme il venait de le faire pour acheter une croix de ferronnerie. On attendait le 8 juillet, date annoncée d'une seconde apparition, avec un intérêt et une impatience croissante, ce qui n'était pas sans inquiéter Mme Arnauld, très effrayée à l'idée que la Sainte Vierge ne revint pas, et discréditât sans retour son mari. Auguste, quand sa femme l'entretenait de ses craintes, souriait et répondait : - J'ai fait tout ce qu'Elle m'a demandé, donc Elle reviendra.