Lorsque je suis allée à Lourdes pour la première fois, j'avais douze ans, et la vue de certains malades me fut très pénible. Je m'interrogeais sur l'utilité de faire voyager des personnes qui, logiquement, auraient étés beaucoup plus à l'aise dans leur lit. Mon père, comme médecin, se rendait chaque jour au bureau des constatations médicales. Le troisième jour il en revint très troublé. À ce même bureau, il avait trouvé un homme attablé devant une tranche de jambon et une tartine. Tous l'observaient avec admiration : cet homme qui, le matin même, ne pouvait ni marcher, ni manger normalement était venu à pied après avoir, quelques instants auparavant, quitté sa petite voiture de malade. Les certificats médicaux notant l'affection dont il était atteint, le déclaraient incurable. L'Église, très prudente, reconnut seulement plus tard l'authenticité du miracle. « Cet homme, me disais-je, a eu raison de quitter sa chambre pour venir implorer Notre-Dame de Lourdes. » Pourtant, ensuite, je fus témoin de faits que j'estime tout aussi surnaturels ; revenant de Lourdes par le train, je vis embarquer successivement des malades pour la plupart gravement atteints. Remplie de pitié, je les supposais désespérés de n'avoir pas été guéris. Beaucoup d'entre eux, au contraire, avaient le sourire aux lèvres. Ils paraissaient heureux, apaisés et quelques-uns d'entre eux plaisantaient avec humour. Et sérieusement, une grande infirme confiait à son brancardier : « Ce voyage m'a fait tellement de bien que je reviendrai l'année prochaine... Peut-être vous reverrai-je. »