La lecture de ce livre a marqué dans ma vie un tournant décisif. Je dis tournant bien qu'il s'agisse d'un long cheminement intérieur qui a coïncidé avec ma préparation clandestine au sacerdoce. C'est alors qu'est tombé entre mes mains ce traité singulier, un de ces livres qu'il ne suffit pas d' "avoir lus". Je me rappelle l'avoir porté longtemps sur moi, même à l'usine de soude, si bien que sa belle couverture était tachée de chaux. Je revenais sans cesse et tour à tour sur certains passages. Je me suis aperçu bien vite qu'au-delà de la forme baroque du livre il s'agissait de quelque chose de fondamental. Il s'en est suivi que la dévotion de mon enfance et même de mon adolescence envers la Mère du Christ a fait place à une nouvelle attitude, une dévotion venue du plus profond de ma foi, comme du coeur même de la réalité trinitaire et christologique. Alors qu'auparavant je me tenais en retrait de crainte que la dévotion mariale ne masque le Christ au lieu de lui céder le pas, j'ai compris à la lumière du traité de Grignion de Monfort qu'il en allait en réalité tout autrement. Notre relation intérieure à la Mère de Dieu résulte organiquement de notre lien au mystère du Christ. Il n'est donc pas question que l'un nous empêche de voir l'autre. (...) On peut même dire qu'à celui qui s'efforce de le connaître et de l'aimer le Christ lui-même désigne sa Mère comme il l'a fait au Calvaire pour son disciple Jean.