La croix sainte, la statue de la Vierge et celle de saint Gengoul furent placées où il avait été convenu. L'église était presque achevée. Deux hautes tours flanquaient le portail. Norbert, animé d'un zèle fervent pour la maison de Dieu, passait ses journées sur les toits, au milieu de l'aérienne forêt de pierre. Même un soir, il ne redescendit point. Il était au sommet de l'une des tours, sur une plate-forme dont la balustrade n'était pas encore posée. Il chercha s'il pourrait voir, de si haut, la statue de la chère Vierge. Il se pencha, et, bien au-dessous de lui, crut distinguer les deux mains tendues hors de la niche. Il se pencha un peu plus ; son pied glissa, il tomba avec un grand cri. Dans sa chute, il rencontra un échafaudage, rebondit sur le plancher, et fut renvoyé vers le pignon pointu de la façade, où s'élevait la croix de pierre. De ses deux mains il s'agrippa aux bras du crucifié ; et son corps pendit dans le vide le long de la grande croix. Là, face à face avec le Christ, les cheveux hérissés d'épouvante, il le suppliait, humblement et furieusement, de le sauver. Puis, il se mit à crier de toutes ses forces : mais les bons moines, étant en paix avec Dieu, dormaient d'un sommeil si profond, que personne ne l'entendit. - Ah ! Jésus, tu te venges ! au secours, Vierge Marie ! Et, de nouveau, il tomba... Il tomba, sans se faire aucun mal, sur les deux paumes de marbre de la Vierge. Les mains miséricordieuses se relevèrent un peu pour le retenir. Il s'y endormit comme un enfant dans son berceau... À l'aurore, les moines l'aperçurent. On dressa de longues échelles. Quand on arriva près de lui pour le délivrer, il dormait encore. - Pourquoi me réveillez-vous ? dit-il. Il ne conta à personne le rêve qu'il avait fait dans les bras de la Vierge, ni ce qu'elle lui avait dit. Mais, à partir de cette nuit-là, il montra une dévotion très exacte pour le Christ Rédempteur, et vécut dans la plus haute sainteté.