Les femmes n'avaient point de place dans les généalogies d'alors. Elles n'étaient point tenues pour « engendrantes », ni comptées comme « génération ». D'elles, on disait qu'elles concevaient et enfantaient : à la rigueur qu'elles engendraient pour leur mari, en référence à celui-ci (Lc 1, 13, nous avons analysé cette particularité). Ici Matthieu est insolite et contraste avec Luc. De manière assez étrange, car ce dernier qui a mis en vive lumière les femmes de l'Evangile, plus que tous les autre évangélistes, ne souffle mot de Marie dans sa généalogie (3, 23-38) : c'est une généalogie sans mère. Alors pourquoi Matthieu plus tributaire des préjugés masculins, donne-t-il une place clé à Marie ? Il ne dit pas que Marie a engendré le Christ. S'il la mentionne, c'est moins comme origine biologique du Christ que comme signe et témoin de l'action transcendante de Dieu qu'il exprimera en 1, 18 et 20. C'est à ce titre qu'il va préciser son rôle, sans rien nous dire de sa personne, de sa grâce, de ses sentiments, de ses mérites, à la différence de Luc 1. Il la situe, comme signe de Dieu et seule origine humaine du Christ, en un sens qu'il n'explicite pas, mais circonscrit de manière significative. La place de l'engendrant, Matthieu la laisse vide, pour ne référer le Christ qu'à Dieu son Père (...). C'est comme signe humain de cette exclusive paternité divine, plus encore que comme origine humaine et biologique du Christ, que Marie est mentionnée et comptée dans la généalogie de Matthieu, à titre singulier, et profondément théologique.