« Le mois de Marie le plus émouvant que j'ai vécu, ce n'est ni à Lourdes, ni à Fatima, ni à Czestochowa, ni à Mariazell. C'est à Molokai, l'île des lépreux ». Le missionnaire s'y est rendu plein de courage et, cependant le coeur serré à la vue de l'horreur de l'effrayante maladie : la lèpre ! Il en est bouleversé. Venu pour prononcer le sermon d'ouverture du mois de Marie, il doit y installer la statue de Notre Dame de Fatima et la bénir en présence des lépreux. Que dire à ces loques humaines devant une si belle Madone ? Le Père est fort embarrassé. Voici qu'on frappe à la porte. Une soeur infirmière entre: "Venez vite chez un mourant!" supplie-t-elle. Le prêtre frémit d'horreur à la pensée d'entrer en contact avec un lépreux; plein d'admiration pour l'héroïque infirmière, il se décide. « Apportez avec vous la statue de N. D. de Fatima, le malade veut la saluer avant de mourir. Une auto nous attend. ». Bientôt le missionnaire se trouve en présence du moribond. Il ne sait que bégayer quelques mots... « La Madone », murmure l'agonisant. Le Père acquiesce à son désir. Trop ému ou pris d'un malaise, le missionnaire portant la statue trébuche dans l'escalier et tombe. Dans sa chute, il cherche à préserver intacte la statue: "Marie, au secours" s'écrie-t-il. Les membres endoloris, il se relève. Son premier regard est pour la Madone dont les mains fortement endommagées tiennent toujours le chapelet. Au visage, ici et là, le vernis a éclaté et des taches sombres sur les joues laissent l'impression de blessures; le sourire a disparu; la bouche a un pli douloureux bien visible. Seuls, les yeux regardent, intacts, avec la même douceur, la même pitié. Le missionnaire planté là, ne sait que faire ... La soeur arrive. Après un premier moment d'effroi, elle décide le Père à la suivre avec la Madone mutilée ... A la vue de cette statue, le mourant a un tel élan d'amour, une joie si jubilante de reconnaissance, de désir et de foi, comme si Mère et fils se saluaient !