Un évêque écossais parcourait à pied les montagnes de son diocèse. La nuit le surprit dans une forêt où il était égaré. Après avoir longtemps cherché, il rencontra enfin une chaumière habitée par une pauvre famille. Ces braves gens le reçurent sans savoir qui entrait sous leur toit, car l'étranger, en costume civil, était enveloppé d'un large manteau. L'évêque, de son côté, ignorait quels étaient ses hôtes. Etaient-ils catholiques ? Etaient-ils protestants ? Aucun indice n'était là pour éclairer ce doute. Cependant, après quelques moments d'une mutuelle réserve, l'évêque ne tarda pas à s'apercevoir qu'une grande tristesse accablait ces pauvres gens. S'enhardissant, il leur dit : « Vous êtes tous bien bons avec moi, mais vous me paraissez bien tristes. - Hélas ! oui, répondit aussitôt la mère, qui semblait attendre cette question pour se décharger, oui, nous sommes tristes. Ici, dans la chambre voisine, notre vieux père va mourir. Et ce qui nous afflige le plus c'est qu'il prétend vivre encore et refuse obstinément de se préparer à la mort. - Pourrais-je le voir ? dit l'évêque, ému et surpris. - Volontiers, répondit la femme, avec cette confiance qui est le propre des âmes affligées ; et, de suite, elle introduisit son hôte dans la petite chambre du malade. Effectivement, le vieillard que l'évêque y trouva était réduit à l'extrémité. La mort semblait n'avoir plus qu'un pas à faire pour l'atteindre. A la première allusion que fit l'évêque à ce sujet, le malade sembla retrouver toute sa vigueur et répondit avec fermeté : « non, je ne mourrai pas encore ». Et à toutes les réflexions qu'on lui opposa pour le persuader, ce fut son invariable réponse.