Oui, si ces personnes avaient vu une seule fois quelqu’un du Paradis, elles ne diraient plus que l’esprit qui leur a parlé n’a pas dit tant de choses ; mais elles diraient plutôt qu’il leur est impossible de dire tout ce qu’elles savent. Je suis une grande ignorante ; mais si j’étais une lettrée plus savante, je ne pourrais rien écrire des choses d’en-haut, parce que les expressions des plus grands savants n’arrivent pas à l’ombre de la vérité des expressions dont on se sert là-haut pour se parler. Le langage d’en-haut est un mouvement de l’âme, des souhaits de l’âme, des élans de l’âme ; et les yeux vifs de l’âme se comprennent. Donc je crois que si, ici-bas, nous voulions expliquer cela, nous n’y arriverions pas. Et moi surtout, vile poussière, je suis encore à naître pour parler de ces choses-là. Aimons le bon Dieu de tout notre coeur : voilà notre science et notre richesse. Oh ! il faut être fou de l’amour de Celui qui a été le premier, Fou d’amour pour nous ... (...) Je trouve très difficile de pouvoir rendre une chose qui n’a pas de comparaison. Si, par exemple, je voulais expliquer comment je voyais la Sainte Vierge, j’entendais ses paroles, je voyais s’exécuter ce qu’elle disait en paroles, je voyais le monde entier, je voyais l’oeil de l’Eternel ; c’était un tableau en action : je voyais le sang de ceux qui étaient mis à mort, et le sang des martyrs ; mais l’amour de cette douce Vierge s’étendait sur moi, il prenait la place de tout le reste, il me faisait fondre ; je ne pensais plus, je n’avais pas le pouvoir de faire une réflexion ; j’étais bien savante alors, je parlais, mais je ne parlais pas avec des paroles ; et quand la douce Vierge marchait, elle n’eut pas besoin de me dire de la suivre, certes non ; je ne savais pas que j’étais, je ne pensais pas que j’avais des pieds pour marcher ; j’étais attirée ; j’étais collée à cette beauté ravissante : Marie ! ... Si je voulais, dis-je, expliquer tout cela, jamais, jamais je n’arriverais à dire la vérité ...