Selon les précisions exégétiques récentes des meilleurs exégètes de saint Jean - le P. Feuillet, le P. Braun, le P. Spicq - l'Evangile de Jean a été écrit très tard. C'est la dernière oeuvre révélée. Dans toutes les Bibles, l'Apocalypse est placée en dernier lieu ; mais en réalité ce n'est pas l'Apocalypse qui termine. C'est l'Evangile de Jean. (?) Jean n'était pas très pressé d'écrire. Je crois même qu'il n'avait pas du tout envie d'écrire - et ça se comprend très bien. Quand on a été témoin de certaines choses, quand on a été tellement lié à quelqu'un - les liens entre Jésus et Jean ! - on n'a pas du tout envie d'écrire. Et puis Jean ne pouvait pas écrire du vivant des Apôtres : « Je suis le disciple bien-aimé ». Cela n'aurait pas été très délicat à l'égard des autres. On peut penser que Jean a rencontré Luc qui est un intellectuel, un artiste, un homme très intelligent, d'une intelligence très fine. Il écrit un grec parfait, très beau, alors que le grec de Jean est beaucoup plus chaotique. Jean a donc rencontré Luc, qui pourra écrire tout ce que Jean lui communiquera. Ce lien entre Jean et Luc me rappelle toujours celui que Dieu a réalisé entre Moïse et Aaron au moment de la vocation de Moïse. Lorsque Dieu demande à Moïse d'aller trouver Pharaon pour libérer le peuple d'Israël en le faisant sortir d'Egypte, Moïse a peur et il trouve tout de suite une bonne excuse : « Excuse-moi, mon Seigneur ! Je ne suis pas éloquent. » Et Dieu lui répond : « N'y a-t-il pas Aaron, ton frère, le lévite ? Je sais qu'il parle bien, lui. » Moïse est l'inspiré, et Aaron celui qui parlera. Dieu aime jumeler les instruments. N'y a-t-il pas quelque chose de semblable entre Jean et Luc ? Jean ne bégaie pas, mais il aime trop, ce qui est une autre manière de bégayer. Et lorsqu'il rencontre Luc, Jean se croit déchargé. C'est merveilleux : Luc transmettra tout ce que Jean a à dire, tout ce que Marie a transmis à Jean. C'est pour cela, du reste, que l'Evangile de Luc est tellement proche de celui de Jean, et les bons exégètes sont attentifs à cette dépendance de Luc à l'égard de Jean.